II- Le critique des religieux
A) Intolérance
Nous abordons maintenant l'intolérance dénoncée par les Lumières. L'intolérance est la tendance à ne pas supporter les personnes qui ont d'autres opinions que soi. Dans l'Europe du XVIII e siècle, la question religieuse reste l'enjeu le plus brûlant. Les différentes confessions affirment toutes en effet la même prétention à l'universalité et à l'exclusivité (à l'exception du judaïsme, qui ne prétend pas convertir les non-juifs). De plus, partout prévaut le modèle de la religion d'Etat (catholique ou protestante) imposée à tous les habitants et tolérant difficilement la présence d'étrangers de confessions différentes. Certes, en Angleterre, la loi de tolérance de 1694 reconnaît la liberté de culte pour les dissidents de l'Eglise anglicane, mais nullement pour les catholiques; de plus, les fonctions d'Etat y restent réservées aux seuls anglicans. Partout, les juifs se voient confinés aux marges de la société. Face à l'intolérance, les Lumières vont mener un combat passionné: prison, exil, excommunication guettent l'auteur imprudent ou sans protection. Le plus incendiaire de tous est Voltaire.
Exemple 1 :
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Nous voyons dans le chapitre 6 de Candide que, Voltaire veut dénoncer l’intolérance de la religion en mettant en évidence l’injustice et le caractère arbitraire des arrestations, les victimes de l’auto-da-fé étant déclarées coupables pour des causes minimes ; c’est ainsi le cas de « deux portugais qui en mangeant un poulet en avait arraché le lard », leur simple rejet de pièces de viande ayant amené les autorités à les considérer comme des Juifs. C’est également le cas de Candide et de Pangloss qu’« on vint lier après le diner » « l’un pour avoir parlé, l’autre pour avoir écouté » : là aussi, les causes de leur arrestation reposent sur les actes tout à fait innocents que sont parler et écouter. De plus, l’anecdote « après le diner » vient banaliser encore davantage leur discussion. Manifestations de cette intolérance par les motifs de condamnation hérétiques, sacrifice expiatoire par bouc-émissaire, ironie encore une fois bel autodafé pour dénoncer la censure, le manque de liberté et la répression.
Exemple 2 :
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Dans le chapitre 22 du traité de la tolérance Voltaire prend de nouveau des risques en dénonçant l’intolérance. Pour cela, il construit un dialogue fictif où il met en scène des personnages appartenant à des religions différentes : un imam pour les musulmans et un talapoin (moine bouddhiste de Thaïlande ou de Birmanie). Puis il écrit le discours d’un inquisiteur (en rapport direct avec l’affaire Calas).
Voltaire oppose sa parole à celle d’un individu intolérant puis, des lignes 20 à 22, ses interlocuteurs se rendent compte de l’incohérence de leur raisonnement et enfin, il dialogue avec un inquisiteur dominicain. Voltaire utilise des métaphores pour confronter deux grandes religions monothéistes qui font du prosélytisme (propagande religieuse). L’homme est intolérant et considère que le bonheur et la révélation religieuse sont exclusivement réservés à sa société. L’adverbe « éternellement » souligne le caractère irrévocable de l’intolérance. Voltaire s’en prend aux chrétiens intolérants. Il construit une analogie entre les langues et les religions, entre les dictionnaires de grammaire et les dogmes et entre le patois et l’hérésie. Il en conclut que l’intolérance est absurde puisque l’on utilise la force pour empêcher les hérésies. La tolérance naturelle serait d’accepter les différents dogmes comme différents patois.
Exemple 3 :
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Le chapitre 23 intituler "Prière à dieu" témoigne d’une nouvelle critique de l’intolérance. En effet l’idée de division et d’intolérance entre les hommes est mise en relief par la structure des phrases, " ceux qui... " Et " haïr " renvoie à l’intolérance. Selon Voltaire ces différences de rites sont insignifiants il les qualifie même de " petites nuances ".
Voltaire exige une compréhension entre les Hommes. Pour lui, la compréhension et la tolérance se situe sur un plan religieux mais aussi sur un plan social. Voltaire voudrait que les hommes fassent la paix entre eux on le voit avec le champ lexical de la paix : " la paix ", " ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas ", " que nous nous aidions mutuellement " et " qu’ils supportent ".Cette prière s'adresse aux
Hommes par des impératifs afin de les insister à la paix. Le déisme de Voltaire montre que pour lui il faut dépasser des pratiques rituelles, le rejet de toutes les formes de violence aussi bien sur le plan religieux que social. Mais ce n'est pas le seul à critiquer l'intolérance.
Exemple 4 :
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Nous retrouvons également la lettre persanes 46 qui s′appuie sur des arguments de bon sens pour montrer à la fois le danger et l′absurdité qu′elles recèlent. Comme à la ligne 20-21 lorsque Montesquieu évoque les multiples postures dans lesquelles Usbek hésite à prier ; « assis » « debout » « corps porte sur ses genoux », ses hésitations montrent l'absurdité des religions. Le prosélytisme est la conséquence d′un raisonnement absurde. Montesquieu défend donc, avec Usbek, une conception utilitariste de la religion : la tolérance n′est pas ici plaidée par idéalisme moral, mais parce qu′elle est un atout pour la société qui en fait preuve. Ainsi, la critique de la politique religieuse n′est pas accomplie dans un but purement accusatoire : il ne s′agit pas seulement de dénoncer, il s′agit de montrer qu′une autre politique peut avoir des effets vertueux dans tous les domaines, que ce soit la morale, l′économie ou la politique. Ce qui prime, ce n′est donc pas la religion en elle-même, mais les effets qu′elle peut produire dans la société. La religion se voit donc reléguée au second rang, ce qui constitue une nouvelle attaque à l′égard de l′Eglise.
B) Inquisition
L'Inquisition est également prise pour cible par les Lumières.
L'Inquisition est tout d'abord un tribunal, distinct de l'ordinaire, dirigé par l'évêque, créée initialement pour lutter contre les hérétiques. Elle est Apparue au moment où l'Espagne réalisait son unité politique, l'Inquisition espagnole a constitué une institution originale, sans rapport avec l'Inquisition pontificale créée au XIIIe siècle pour lutter contre l'hérésie. Par ses origines, comme par l'action considérable qu'elle exerça dans les domaines religieux et intellectuel, elle constitua un élément caractéristique de la personnalité historique de l'Espagne.
Exemple1 :
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Montesquieu critique l'iIquisition dans ces Lettres persanes. Par exemple dans la lettre 29 Après avoir fait la critique de la figure du roi, Rica s′attaque à celle du Pape. Progressant dans l′irrévérence, Rica affirme les ressemblances entre le roi et le Pape, « un autre magicien plus fort que lui » On conçoit l′audace qu′il y a à se moquer ainsi de deux personnages aussi éminents : la censure n′est pas loin, mais Montesquieu s′est déchargé de la responsabilité des propos dans la Préface, en arguant qu′il ne fait que rapporter ces lettres.
Puis il l'a critique aussi dans la lettre 46 où Usbek dénonce l′absence de zèle des Chrétiens : « Je vois des gens qui disputent sans fin sur la religion ; mais il me semble qu′ils combattent en même temps à qui l′observera le moins ». Ce jeu de mots entre « disputer » et « combattre » montre que la discussion n′est qu′une diversion pour ne pas accomplir ses devoirs. Les discussions interminables empêchent de s′adonner à la pratique de la religion, de sorte que les devoirs ne sont pas accomplis. Les fidèles s′en servent en fait comme prétexte.
Montesquieu n'est pas le seul à avoir critiqué l'inquisition Voltaire l’a également fait.
Exemple 2 :
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Dans le chapitre 22 dans la traité de la tolérance où l’ironie intervient dans le discours de l’Inquisiteur lorsqu’il dit « Il y a bien de la différence ; il s’agit du salut de votre âme » ; ensuite il énumère des choses injustes et inacceptables comme la délation, l’impossibilité de se défendre, l’anonymat de l’accusateur, le manquement à la parole donnée, le droit de donner la mort, de torturer et de mettre les condamnés au bûcher et qu’il présente comme chose normale. Puis, après ses arguments injustes, il présente de faux arguments d’autorité avec la liste de noms tout à fait inconnus.
C) Persecution
Pour finir les lumières critiquent aussi les persécutions liée à l'Inquisition. Persécuter, ce fut d'abord suivre ou poursuivre en justice, jusqu'au bout. Les persécutions du pouvoir romain contre les chrétiens et celles de l'Inquisition contre les hérétiques furent des actions judiciaires régulièrement menées. L'acharnement que peut mettre contre un homme l'appareil judiciaire. C’est aussi une mesure violente et arbitraire prise à l’égard d’une communauté ethnique ou religieuse.
Exemple 1 :
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Au chapitre 6 de Candide, Voltaire veut dénoncer la cruauté de la cérémonie. Pour cela, dès le début du texte, il montre que les hérétiques sont « brûlés à petit feu », le complément « à petit feu » exprimant leur vive souffrance. Voltaire met également en valeur la sévérité de la religion grâce au double chiasme employé par le narrateur pour décrire la mitre et le san-benito dont sont revêtus Candide et Pangloss. Ainsi, alors que ceux de Candide « étaient peints de flammes renversées et de diables qui n’avaient ni queues ni griffes », « les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites ». L’inversion de la mention des flammes et des diables, mais aussi des queues et des griffes de ces diables nous voyons donc indiquent les degrés de gravité des châtiments subis par les victimes et annoncent la séparation du destin de Candide, qui sera « fessé », et du destin funeste de Pangloss, qui sera « pendu ».
Exemple 2 :
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Montesquieu dénonce également la persécution à travers sa Lettre persane 29, où l'ironie permet de voiler la critique derrière un discours faussement laudatif, Rica fait allusion à l'encouragement à la délation et à la cruauté des supplices, « brûler comme hérétique » « Il serait en cendres avant que l'on eût seulement pensé à l'écouter. », masqués par des rites officiels et l'hypocrisie des sermons charitables.